Le Thé au Bangladesh : Une Histoire de Racines, de Résilience et de Renaissance
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De Chittagong aux collines de Sylhet — l’odyssée du thé bangladais entre héritage colonial et fierté nationale.
Source de l'imageAux Origines : Le Thé sous l’Empire Britannique
L’histoire du thé au Bangladesh remonte à l’époque coloniale, lorsque les Britanniques cherchent à étendre leur empire du thé au-delà de l’Assam et du Darjeeling. En 1840, les premiers théiers sont plantés à Chittagong, sur les contreforts des collines. Mais c’est en 1854, à Sylhet, que naît la première véritable plantation commerciale.
Ces terres, fertiles et baignées d’humidité, s’avèrent idéales pour la culture du Camellia sinensis. Ainsi débute une aventure agricole et humaine qui va profondément marquer la région et son économie.
Après la Partition : Une Nouvelle Carte du Thé
En 1947, lors de la Partition des Indes, le territoire actuel du Bangladesh devient le Pakistan oriental. À cette époque, 103 plantations couvrant près de 29 000 hectares sont déjà en activité. Le thé devient un produit stratégique pour l’économie du pays.
Face à une demande intérieure en pleine croissance, le gouvernement pakistanais fixe dès 1960 un objectif de croissance des plantations de 3 % par an. Résultat : en seulement dix ans, la production passe de 19 000 tonnes (1960) à 31 380 tonnes (1970), réparties sur 153 plantations et 43 000 hectares.
️ 1971 : La Guerre, un Coup d’Arrêt Brutal
La guerre de libération du Bangladesh, suivie de la troisième guerre indo-pakistanaise, provoque un effondrement brutal du secteur. Les plantations sont abandonnées, les usines endommagées, et de nombreux ouvriers spécialisés fuient les zones de conflit. La qualité et la rentabilité du thé chutent dramatiquement.
Ce chapitre sombre de l’histoire du pays laisse une industrie affaiblie, mais non brisée.
Renaissance : Le Thé comme Symbole de Résilience
Dans les années 1980, le gouvernement bengali lance un vaste programme de redressement. Soutien aux producteurs, modernisation des équipements, formation des ouvriers : tout est mis en œuvre pour sauver cette filière identitaire.
Les efforts portent leurs fruits. En 2006, la production atteint 53 410 tonnes sur 163 plantations. En 2013, ce chiffre grimpe à 66 260 tonnes.
Un Thé Pour les Bangladais
Paradoxalement, alors que la production augmente, les exportations chutent fortement. Pourquoi ? Parce que les Bangladais boivent de plus en plus de thé. De 31 000 tonnes exportées en 1980, le chiffre tombe à 850 tonnes en 2013, puis seulement 10 tonnes en 2014.
Le thé devient ainsi un produit essentiellement domestique, enraciné dans la vie quotidienne : pause entre voisins, accueil des invités, fin de repas — chaque moment est une excuse pour partager une tasse.
Le Thé Bangladais Aujourd’hui : Entre Héritage et Innovation
Le Bangladesh continue aujourd’hui à investir dans son patrimoine théicole. De nouvelles plantations voient le jour dans des zones moins traditionnelles comme Panchagarh, au nord du pays. On observe également un regain d’intérêt pour les petites productions artisanales, la conversion au bio et l’innovation aromatique.
Des thés noirs puissants de Sylhet aux thés verts en développement, le thé bangladais s’ouvre doucement à la scène mondiale, même si sa vocation principale reste celle de réchauffer les foyers du pays.
En Résumé
Le thé du Bangladesh est une histoire de ténacité, forgée par les vents de l’histoire, mais portée par la chaleur de son peuple. De Chittagong aux collines de Sylhet, des drames de la guerre à la renaissance moderne, chaque feuille raconte une page de l’identité bangladaise.